C’est le règne des Mérovingiens
qui a construit l’identité de ce peuple.
S’il est facile de décrire les
réalisations de la dynastie mérovingienne, il s’avère plus délicat de décrire
le peuple sur lequel cette famille en vient à exercer sa domination. Car si les
sources romaines évoquent des populations « franques » sur les bords
du Rhin depuis le III° siècle, rien ne prouve que celles-ci aient eu conscience
de leur identité ethnique avant d’avoir les Mérovingiens à leur tête. Les
Francs n’ont en effet ni religion unitaire, ni mythe d’origine connu. Leur
anthroponymie ne diffère pas radicalement des populations environnantes et leur
équipement guerrier est encore très comparable à celui des autres Barbares
occidentaux. On ne leur connaît même pas le droit national particulier. En
l’absence d’unité politique, on peine à comprendre comment des tribus variées
peuvent avoir eu le sentiment de former un peuple unique.
Tout change, assez soudainement,
autour des années 480. Au nord de la Gaule, l’armement commence à prendre une
grande originalité, notamment avec l’apparition de la hache de jet (la fameuse
« francique ») et de la lance-harpon, l’angon. Des coutumes
funéraires particulières apparaissent, marquées par les « tombes de
chefs » abritant de riches chambres funéraires : au moment d’inhumer
les siens, une famille peut désormais se présenter comme « franque ».
L’orfèvrerie de prestige s’aligne alors sur des modèles diffusés par la
royauté, avec un goût particulier pour l’usage du grenat : même la mode
féminine fait l’objet d’une certaine unification. Vers la même époque, sans
doute sous le règne de Clovis (481-511), la loi salique vient pour la première
fois distinguer les Romains, les Francs et les autres Barbares pari les sujets
du roi des Francs. Le choix du catholicisme permet en outre d’afficher sa
différence religieuse par rapport aux Burgondes ou aux Wisigoths, qui adhèrent
à l’hérésie arienne.
L’ensemble de ces données
laissent entendre que l’émergence de la dynastie mérovingienne et la
construction du peuple franc sont concomitantes. Le sentiment ethnique semble
d’autant plus se renforcer que l’homme qui s’intitule « roi des
Francs » remporte des victoires militaires ou qu’il accorde des immunités
d’impôts à ceux qu’il identifie comme ses concitoyens. L’ethnogenèse franque
apparaît ainsi comme un mouvement principalement politique, dont le succès
s’inscrit dans la longue durée. Vers 500, seule l’élite militaire du royaume
mérovingien est décrite comme franque. Mais, un siècle et demi plus tard, tout
homme libre sujet du roi mérovingien se voit qualifié de « Franc ».
Bruno Dumézil, article « Le bon temps des rois
mérovingiens », revue l’Histoire n°358, Novembre 2010, page 46.
Loi salique
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