Urbanisme, architecture de pierre et décor monumental
Dans le domaine de l’urbanisme, de l’architecture de pierre et du décor monumental, la période mérovingienne n’a guère innové par rapport à l’Antiquité tardive dont elle apparaît le prolongement direct. Cette situation est aisément explicable. D’une part, la substitution des royaumes barbares à l’Empire romain d’Occident n’apporta que peu de modifications au peuplement indigène qui, demeuré majoritaire, conserva ses modes de vie, notamment en milieu urbain. D’autre part, les nouveaux maîtres ne possédaient pas de traditions nationales propres en ce qui concerne l’urbanisme et l’architecture de pierre : lorsqu’ils furent des bâtisseurs, leur influence se limita donc à une stimulation de ces arts sous la forme qu’ils revêtaient auparavant. On comprend ainsi cette relative uniformité de l’architecture et du décor sculpté mérovingiens dans les limites du Regnum Francorum.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis, Corpus 15, page 804.
Les villes
La physionomie des villes mérovingiennes devait être peu différente de celle des villes de l’Antiquité tardive dont elles furent les héritières : elles en conservaient le plan, les murailles, la voirie, l’essentiel du patrimoine immobilier public et privé, ainsi que le réseau des nécropoles. S’il n’y a pas eu de réel urbanisme mérovingien, les villes ont néanmoins connu au début du haut Moyen Age un certain nombre de transformations topographiques de détail, dont les mieux connues furent liées à la multiplication des églises (Paris en fut doté de plus d’une vingtaine entre le VI° et le VIII° s.) A la différence des sanctuaires extra muros, en général implantés sur des nécropoles, dont ils déterminèrent les centres de gravité, les églises intra muros occasionnèrent lors de leur construction des modifications plus ou moins importantes du tissu urbain : les fouilles de Lyon et de Genève, comme celles de Trèves et de Cologne, ont ainsi montré l’ampleur exceptionnelle des ensembles monumentaux que furent les « groupes épiscopaux », avec leurs églises multiples (dont souvent une cathédrale « double », leur baptistère, ainsi que la résidence de l’évêque.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis, Corpus 15, page 804.
Baptistère Saint Jean de Poitiers
Chancel - Saint Pierre aux Nonnains - Metz
L’architecture religieuse 1
Nos connaissances sur
l’architecture civile de pierre à l’époque mérovingienne, qui a dû
essentiellement se limiter aux villes, sont des plus minces, et il semble que
dans la plupart des cas, qu’il s’agisse des résidences royales ou princières,
des demeures patriciennes ou des immeubles populaires, on se soit borné à
aménager les constructions de la fin de l’Antiquité.
L’architecture religieuse nous
est en revanche beaucoup mieux connue, soit que les monuments existent encore,
en totalité ou en partie, ce qui est fort rare, soit que les sanctuaires
postérieurs aient en quelque sorte « fossilisé » les vestiges des
édifices primitifs : les fouilles nous en livrent alors les plans au
niveau des fondations, les élévations et le décor étant reconstitués grâce aux
fragments architecturaux retrouvés, par comparaison avec les quelques monuments
conservés, ainsi que sur la base de rares descriptions contemporaines. A côté
des plans cruciformes (Saint Germain-des-prés, à Paris ; Saint Laurent de
Grenoble) ou ovales (Saint-Géréon de Cologne), le plan basilical, issu de
l’architecture civile antique, paraît avoir été le plus répandu, aussi bien
pour les cathédrales (Trèves, Lyon, Genève) que pour les basiliques funéraires
(par exemple Saint-Laurent-de-Choulans et Saint-Just, à Lyon). L’église
Saint-Pierre de Vienne, en Dauphiné, malgré les transformations, est pour la
Gaule le meilleur exemple de ce que pouvaient être ces innombrables basiliques
urbaines et suburbaines de tradition antique. Edifié à la fin du V° siècle, ce
monument est caractérisé notamment par sa construction en petit appareil avec
assises de brique et par sa nef rectangulaire, prolongée par une abside, dont
les murs latéraux intérieurs offrent deux étages superposés d’arcades plaquées,
à colonnes et chapiteaux de marbre, l’édifice étant fermé par un simple toit en
charpente. De tels monuments, à une ou plusieurs nefs, étaient souvent précédés
par un atrium et dotés de portiques latéraux et fréquemment de clochers.
Plusieurs baptistères remontant à la fin de l’époque romaine ou à l’époque
mérovingienne sont parvenus jusqu’à nous (Fréjus, Poitiers, Riez, dans les
Alpes-de Haute-Provence), d’autres ayant été révélés par les fouilles (Lyon,
Genève, Marseille). Il s’agit de monuments de grand intérêt car, adaptés à une
liturgie spécifique, ils offrent des plans originaux (carrés à niches d’angles
ou cruciformes) et, tout en conservant les techniques architecturales de
l’Antiquité tardive (petit appareil avec arases de briques pour les murs,
colonnes et chapiteaux de marbre à la retombée des arcs intérieurs), ils
témoignent de la maîtrise de leurs constructeurs (passage du plan carré à un
couverture en coupole par l’intermédiaire d’un tambour octogonal percé de
fenêtres, comme par exemple à Fréjus). L’intérêt archéologique de tels édifices
est indéniable, quand ils ont conservé leur élévation, car ce sont de précieux
points de référence architecturale pour les églises contemporaines dont on ne
possède plus que le plan au niveau des fondations.
Source article
« Mérovingiens », Encyclopaedia universalis, Corpus 15, page 804-805.
Eglise Saint Pierre de Vienne
L’architecture religieuse 2
A l’exception des grands
monastères (Jouarre, Chelles, Nivelles,
etc.) et de quelques sanctuaires (bourgades, hauts lieux sanctifiés),
l’architecture religieuse de pierre n’a pas connu dans les campagnes de
développement aussi considérable que dans les villes. Si les marches
septentrionale et orientale du Regnum
Francorum ont été marquées par une première vague de fondations d’églises
en bois, le reste du royaume a vu dès l’origine la construction d’églises
rurales dont les fondations au moins étaient en pierre, avec des murs de pierre
ou de bois de torchis : il s’agit le plus souvent de petites basiliques
funéraires, la plupart du temps édifiées à l’initiative de l’aristocratie
gallo-franque (et dont beaucoup sont à l’origine des églises paroissiales
postérieures), avec nef rectangulaire et, parfois atrium, portiques et annexes
(les églises rurales de Briord, dans l’Ain, Chassez-lès-Montbozon, en
Haute-Saône, Saint-Julien-en-Genevois, en Haute-Savoie, ou Mont-Ferrand, dans
l’Aude, pour se limiter à la Gaule, en constituent de bons exemples révélés par
les fouilles).
Source article
« Mérovingiens », Encyclopaedia universalis, Corpus 15, page 801.
Monastère de Nivelles
Décor baptistère de Poitiers
Le décor architectural 1
Si le décor architectural des
petits sanctuaires ruraux nous échappe presque totalement (il était peut-être
pour l’essentiel en bois), celui des sanctuaires urbains et des grands
monastères des campagnes nous est relativement bien connu, aussi bien par les
monuments encore intacts que par les découvertes archéologiques. Comme
l’illustre magnifiquement le baptistère de Poitiers (édifice du IV° s., remanié
au VI°), la brique, combinée au petit appareil de pierre, fut largement
utilisée pour la décoration des murs extérieurs des sanctuaires (chaînages,
rosaces, losanges curvilignes). Les fouilles ont également livré dans le
sud-ouest de la France, le Val de Loire et la Région parisienne des éléments
architecturaux de terre cuite moulée qui se situent dans la tradition
antique : briques plates à bord orné (oves, rinceaux, volutes), modillons
à extrémité cannelé, antéfixes à fronton frappé d’un masque humain crucifère
(la Sainte Face). Le décor de pierre sculpté ne devait pas être absent des
façades, comme en témoigne le baptistère de Poitiers, avec ses chapiteaux de
pilastres à décor végétal, ses modillons, ses frontons moulurés et ses panneaux
décoratifs en bas reliefs méplat, avec rosaces et palmettes.
Source article
« Mérovingiens », Encyclopaedia universalis, Corpus 15, page 805.
Le décor architectural 2
De nombreux éléments
architecturaux de marbre, toujours en place dans les monuments conservés,
remployés dans des édifices postérieurs ou trouvés au cours des fouilles,
attestent l’emploi courant de ce matériau (le plus souvent d’origine
pyrénéenne) pour la décoration intérieure des sanctuaires mérovingiens. Tandis
que les colonnes ont été habituellement –et de façon trop systématique-
considérées comme des remplois antiques, on a admis que la plupart des
chapiteaux étaient des productions mérovingiennes, dont on a tenté de retracer
l’évolution stylistique entre le V° et le VII° siècle dans divers monuments
religieux (baptistères de Fréjus et de Marseille) les types païens à décor
végétal de Rome, Autun, Trèves, Cologne, etc…, le V° siècle prolongeant le
style de l’Antiquité tardive, mais selon les types hybrides et avec une perte
générale du modelé (Notre-Dame-de-la-Daurade, à Toulouse). Le VI° siècle aurait
été caractérisé par le développement de ce style provincial romain abâtardi,
avec néanmoins quelques innovations, comme l’étage unique de feuilles, la
présence de chevrons sur leurs nervures, celle de croix pattées entre les
volutes d’angle, ou encore la tendance à la stylisation des oves et des
cannelures. Il y aurait eu, enfin, une véritable renaissance au VII°
siècle : à partir des ordres corinthiens composites, le traitement des
chapiteaux aurait été effectué soit dans le « goût barbare pour l’extrême
stylisation des formes », avec « influence proprement
byzantine » se limitant à l’acanthe épineuse, soit selon une « forte
inspiration antique » et même « naturaliste » (Denise Fossard).
Ce schéma évolutif, si séduisant soit-il, suscite quelques critiques en raison
de son mode d’élaboration. Un certain nombre de chapiteaux
« repères » ont en effet été datés par les monuments auxquels ils
appartenaient ou étaient censés appartenir. Il s’avère en fait que, d’une part,
la datation de ces monuments n’est pas toujours précise et que d’autre part,
les chapiteaux ne sont par nécessairement contemporains des sanctuaires qu’ils
ornaient, des remplois étant toujours possibles. Il importe enfin de soulever
les problèmes posés par cette « renaissance » du VII° siècle, époque
où, comme on l’a établi (E. James), s’interrompt la production des sarcophages
de marbre pyrénéen, tandis que se ralentit le rythme de fondation des grands
sanctuaires urbains richement ornés.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 805.
Notre Dame de la Daurade
Le décor architectural 3
Quelques rares vestiges
archéologiques, pour nous limiter aux régions considérées, permettent encore
d’évoquer d’autres aspects du décor intérieur de ces sanctuaires mérovingiens,
dont les textes soulignent la somptuosité : triple portique peint de
figures bibliques et riche plafond de bois sculpté aux Saints-Apôtres de Paris
(devenus l’abbaye Sainte-Geneviève) ; marbres précieux, or des murs,
lambris dorés de la voûte, pavements de mosaïques et toit de bronze étincelant,
auxquels l’église Sainte-Croix-et-Saint-Vincent allait devoir son surnom de
Saint-Germain-le-Doré, avant de devenir Saint-Germain-des-Prés. La crypte
Notre-Dame-de-Confession, à Saint-Victor de Marseille, est l’un des rares
monuments à conserver in situ un panneau de mosaïque à fond d’or et motif polychrome
de rinceaux, ainsi que le revêtement de stuc, avec pampres de vigne, de
l’intrados d’un arc (V°s.). Les récentes fouilles de la cathédrale Saint-Pierre
de Genève attestent également de façon éloquente, pour le palais épiscopal de
l’époque mérovingienne, que l’art de la mosaïque était toujours bien maîtrisé.
C’est néanmoins vers les monuments contemporains de Rome (Santa Maria Antiqua,
Santa Maria Maggiore) ou de Ravenne qu’il faut se tourner pour avoir la
meilleure idée de ce que fut le décor intérieur des sanctuaires mérovingiens.
Source article
« Mérovingiens », Encyclopaedia universalis, Corpus 15, page 805.
Abbaye Saint Victor de Marseille
Le décor architectural 4
La sculpture sur marbre ou sur
pierre ne se limita pas au décor architectural proprement dit des sanctuaires mérovingiens,
mais concerna également divers aménagements liturgiques comme les ciboriums
(édicules surmontant autels et cuves baptismales), les ambons (podiums destinés
à la lecture des Ecritures et aux homélies), les chancels (balustrades divisant
les églises pour séparer les clercs, les chantres et les fidèles), ou encore
les tables d’autel. Quelques-uns de ces monuments sculptés sont parvenus
jusqu’à nous en Gaule, comme la table d’autel en marbre de Saint-Victor de
Marseille (V° s.), qui porte des frises de colombes, de part et d’autre du
chrisme, des agneaux et des pampres de vigne peuplés d’oiseaux, ou le parapet
d’ambon de Saint-Martin de Ligugé, près de Poitiers (VI°-VII° s.), avec un cerf
broutant « l’arbre de vie », ou encore le célèbre chancel de
Saint-Pierre-aux-Nonnains, à Metz, magnifiquement présenté au musée
archéologique de cette ville. Cet ensemble monumental de pierre, trouvé à
l’occasion de fouilles et dont on ignore l’agencement original dans l’église
(basilique civile romaine tardive, devenue sanctuaire chrétien et ayant connu
par la suite divers aménagements), se compose d’une série de piliers
quadrangulaires à feuillures dans lesquels s’encastraient des plaques
rectangulaires. Tous ces éléments lapidaires sont richement ornés et illustrent,
de façon spectaculaire, les divers courants d’influence qui ont marqué la
sculpture mérovingienne : plusieurs frises à caractère végétal, ainsi que
des motifs couvrants de losanges ou de croisillons trouvent ainsi leur origine
dans l’art romain occidental ; le traitement particulier des feuilles de
vigne ou du motif du canthare d’où sort l’arbre de vie, de même que des frises
de croix byzantines de rosettes et de rosaces, ou des représentations
architecturales, attestent l’adaptation du répertoire stylistique contemporain
du monde méditerranéen ; d’autres motifs enfin, dit peut-être à tord
barbares, sont empruntés, sinon aux art du métal, du moins à ce qu’on pourrait
appeler l’art populaire mérovingien, et figurent des serpents entrelacés. L’un des
panneaux du chancel de Metz offre l’une des rares représentations humaines de
la Gaule mérovingienne, le Christ debout et nimbé qui, d’une main, présente un
objet rond (pain de la consécration ?) et, de l’autre, semble bénir. On a
souvent discuté de la datation de ce chancel, où voisinent des sculptures de
qualités différentes, parfois inachevées, l’ensemble étant néanmoins homogène
par le recours à la technique du bas-relief méplat, voire de la gravure. Il
semble aujourd’hui qu’une datation au VII° siècle s’impose (G. Collot), au
détriment de datations plus récentes qui ne peuvent être soutenues si l’on
compare les motifs animaliers du chancel et leurs parallèles bien datés, que
l’on rencontre sur maintes garnitures de ceinture de bronze moulé ou de fer
damasquiné.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 805-806.
Art funéraire
En dehors des basiliques
funéraires, dont l’étude architecturale et ornementale ne peut guère être
distinguée de celle des monuments religieux à usage non spécifique, la Gaule
mérovingienne a également possédé des constructions proprement funéraires, dont
deux célèbres exemples nous sont conservés : il s’agit d’une part de
l’hypogée des Dunes à Poitiers, d’autre part de la crypte Saint-Paul de Jouarre
(Seine-et-Marne).
L’hypogée des Dunes
Découvert en 1878 par le père de
La Croix dans l’un des cimetières antiques de Poitiers (lieu-dit champ des
Martyrs), le mausolée de l’abbé Mellebaude, ainsi que l’atteste une
inscription, était une salle semi-souterraine de 4, 80 m sur 2, 95 m, que l’on
atteignait par un escalier (la partie haute du monument n’étant plus
conservée). Cette construction funéraire, de tradition romaine, fut édifiée au
VII° siècle et abrite un remarquable ensemble de sculptures, que l’on ne
manquera par de rapprocher de celle de Saint-Pierre-aux-Nonnains, à Metz. Trois
des marches, sans doute des remplois (de chancel ?), associent des motifs
sculptés classiques de l’art paléochrétien (frises de poisson et de feuilles de
lierre, symbole de la vie éternelle) à des thèmes populaires de l’époque
mérovingienne, dont la symbolique nous échappe (entrelacs de serpents). Les
chambranles de la porte sont ornés d’un côté d’une succession de cercles
décorés de motifs floraux stylisés et de l’autre d’une frise à caractère
végétal. Le sarcophage de l’abbé Mellebaude se trouvait au nord de la chambre
funéraire, sous un arcosolium dont le
fond conserve les restes d’une inscription à la peinture ocre. En face
subsistent des cuves de pierre qui devaient contenir des reliques, et qui
portent un décor sculpté (notamment des archanges et des évangélistes). Une
base d’autel, avec l’amorce d’une croix peinte, atteste également que le
mausolée pouvait servir d’oratoire. L’hypogée abrite enfin l’une des plus
intéressantes sculptures figurées de la Gaule mérovingienne. Il s’agit d’une
base de croix monumentale (qui, à l’origine, devait se trouver à l’extérieur du
mausolée), avec, de part et d’autre d’une colonne surmontée d’un chapiteau, les
deux larrons : bien que l’ensemble ait été exécuté en bas relief, c’est
par une technique de gravure que l’on a mis en évidence les traits du visage et
les cheveux, comme certains détails anatomiques des torses, ou les pagnes.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 806.
Salle de l'Hypogée
La crypte Saint-Paul de Jouarre
Fondé vers 630 par l’abbesse
Théodechilde, le monastère de Jouarre fut doté, comme c’était alors l’usage, de
trois églises, l’une pour les religieuses, l’autre pour les frères ou les
fidèles, enfin la troisième à des fins funéraires. Cette dernière basilique,
dédiée à saint Paul (révélée par les fouilles de 1867, mais dont rien n’est
visible aujourd’hui), fut prolongée à la fin du VII° siècle du côté de son
chevet par un augmentum, construction
semi-souterraine à destination funéraire, réservée à la sépulture des premières
abbesses. Il s’agissait d’une salle d’environ 13 m sur 8 m, divisée en trois
travées par six colonnes de marbre coiffées de remarquables chapiteaux de
marbre blanc pyrénéen, dont plusieurs sont l’interprétation aussi libre
qu’originale des modèles antiques (la voûte primitive n’est pas conservée et la
voûte actuelle date du XII° s.). Le sol de la crypte étant en contrebas de 2,40
m environ par rapport à celui de l’église, on édifia à l’ouest un mur en opus reticulatum dessinant
successivement des rectangles, des losanges et des octogones. Les sarcophages
des abbesses, qui avaient été enfouis dans le sol, le long du mur oriental de l’augmentum furent surmontés de
cénotaphes de pierre à toit en bâtière. Le plus beau est sans conteste celui de
Théodechilde (première moitié du VIII° s.), qui comporte sur chaque face
longitudinale deux frises de coquilles et de palmettes, encadrées par trois
bandeaux sur lesquelles se développe une inscription. Une stèle de pierre
représente en bas relief deux personnages en longue robe plissée, dont un thuriféraire
(VII° s. ?). Mais le monument sculpté le plus étonnant est
incontestablement le sarcophage de pierre considéré comme celui de l’évêque de
Paris Agilbert, frère de Théodechilde. L’un des grands côtés de la cuve
comporte la figuration mutilée du Jugement dernier, avec de part et d’autre du
Christ sur son trône les élus levant les bras comme des orants. Le panneau de
tête du sarcophage, qui n’a pas d’équivalent en Gaule mérovingienne, présente
en bas relief méplat le Christ en majesté dans une mandorle, entouré des
symboles des quatre évangélistes. L’isolement de cette sculpture et certains
parallèles avec l’Italie du Nord évoquent le travail d’un artiste non pas copte
mais plutôt italo-lombard. On ignore quel fut l’emplacement primitif du
sarcophage d’Agilbert (mort dans le dernier tiers du VII° s.), dont
l’ornementation exceptionnelle pourrait s’expliquer par
« l’élévation » du défunt dont on voulut faire un saint.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 807.
Sarcophage d'Agilbert
Epitaphes et stèles
L’aménagement en surface des
sépultures mérovingiennes n’étant que fort rarement parvenu jusqu’à nous, qu’il
s’agisse de tombes établies dans des églises ou en plein air, on ne conserve
aujourd’hui qu’un nombre restreint des monuments qui pouvaient marquer leur
emplacement. Les fouilles pratiquées dans les basiliques funéraires
suburbaines, notamment dans la région lyonnaise et en Rhénanie, ont livré des
épitaphes de marbre et de pierre qui attestent la prolongation, jusqu’au VI°
siècle au moins, de la tradition paléochrétienne, tant pour les formules que
pour l’iconographie (par exemple, les colombes accostant le canthare, le
chrisme ou une grappe de raisin). A côté de stèles de pierre frustes, certaines
régions ont révélé des marques de tombes plus élaborées : ainsi les stèles
du Vexin français (musée de Guiry-en-Vexin, dans le Val d’Oise), gravées de
motifs géométriques simples ou d’inspiration chrétienne ; ou celles de
Rhénanie : en particulier la stèle de Königswinter-Niederdollendorf (au
Landesmuseum de Bonn), qui représente d’un côté le Christ nimbé tenant une
lance et de l’autre le défunt, tenant d’une main son scramasaxe et se coiffant
de l’autre, accompagné de sa gourde et la tête surmontée d’un serpent
bicéphale.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 807.
La stèle de Königswinter-Niederdollendorf
Source article
« Mérovingiens », Encyclopaedia universalis, Corpus 15, page 807.
Les sarcophages 1
Cependant, ce sont surtout les
sarcophages de marbre, de pierre et de plâtre qui, du fait de leur
enfouissement, nous fournissent les témoignages les plus nombreux de la
sculpture funéraire mérovingienne.
Un premier groupe est représenté
par les sarcophages de marbre du sud-ouest de la Gaule, venant des carrières de
Saint-Béat (Haute-Garonne) ; ils sont d’un style très homogène, propre à
l’école aquitaine. Les cuves, légèrement trapézoïdales, sont ornées sur un seul
grand côté, ainsi que sur les panneaux d’extrémités, selon la technique du
bas-relief méplat, avec un nombre limité de motifs géométriques ou
paléochrétiens : strigiles, rosettes, feuilles de vigne ou de lierre,
acanthes, arbres de vie, chrismes, etc., avec un compartimentage fréquent de
piliers et de pilastres. Les scènes figurées sont peu nombreuses et les
couvercles à quatre pentes sont décorés d’imbrications ou de motifs végétaux.
Autant qu’on en puisse juger, l’école aquitaine prit son essor quand le
sud-ouest de la Gaule, devenu wisigothique, se coupa des ateliers provençaux
d’Arles et de Marseille : le relais fut alors pris par Toulouse, Bordeaux,
Agen et sans doute par d’autres écoles à diffusion plus ou moins restreinte.
Ces diverses productions, contrairement aux thèses traditionnelles, ne
paraissent pas s’être prolongées au-delà de la fin du VI° siècle, époque où les
raids des Vascons (les Basques) interdirent l’exploitation normale des
carrières de marbre pyrénéen (E. James). Il est également intéressant de noter
qu’à partir du début du VI° siècle la Septimanie, restée wisigothique après la
bataille de Vouillé (507) et séparée de l’Aquitaine franque, vit le
développement d’une école régionale, avec des sarcophages en marbre local à
décor de feuilles de lierre.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 807.
Les sarcophages 2
Si quelques sarcophages de marbre
pyrénéen furent exportés jusque dans le Sillon rhodanien et le Bassin parisien,
l’ensemble de la Gaule franque fut desservi par un certain nombre d’écoles
régionales de sarcophages de pierre, à diffusion plus ou moins importante.
L’école bordelaise produisit des sarcophages sobrement ornés de hachures
parallèles ou en chevrons sur des cuves trapézoïdales et des couvercles en
bâtière haute, dont les frontons furent parfois gravés de croix simples ou
multiples. L’école poitevine concentra son décor sculpté sur les couvercles des
sarcophages, plats ou offrant en léger relief une croix à triple traverse, avec
des compositions plus ou moins chargées de hachures en chevrons, de croix, de
rosaces, voire de motifs végétaux ou zoomorphes traités davantage en gravure
qu’en bas relief méplat. Dotées de couvercles légèrement bombés à nervure
médiane, les cuves de grès ou de calcaire gréseux de l’école nivernaise furent
ornées de multiples croix sur leurs panneaux de tête, les autres parois étant
seulement agrémentées de traces de chevrons. L’école sénonaise nous a laissé de
massifs sarcophages trapézoïdaux à décor gravé : grande croix pattée mise
en valeur par des hachures sur les couvercles en légère bâtière, hachures
obliques à inclinaison alternée sur les grands côtés des cuves et croix
monogrammatiques accostant l’Arbre de Vie (avec fond piqueté ou hachuré, et
parfois compartimenté) sur les panneaux de tête (un atelier parisien, important
les sarcophages en partie ornés du Sénonais, paraissant avoir eu l’exclusive de
ces derniers motifs.) L’école bourguigno-champenoise, enfin, est caractérisée
par des sarcophages de très belle qualité à cuve trapézoïdale profilée et
couvercle bombé et évidé : le décor était constitué de fines cannelures
parallèles gravées, dessinant des motifs géométriques sur les panneaux
d’extrémités des cuves et des couvercles. Quant aux sarcophages de pierre
fabriquées dans d’autres régions (Bretagne, Ile-de-France, Est de la France,
Rhénanie), ils ne furent que très rarement décorés.
Les sarcophages 3
Une dernière école de sarcophages
doit encore être mentionnée : il s’agit de celle de Paris, qui eut recours
au gypse pour produire en série des sarcophages de plâtre moulé, les propriétés
de ce matériau, si répandu en Région parisienne, étant connues depuis l’époque
romaine. Grâce à des coffrages de planches, on coulait cuves et couvercles à
proximité des cimetières. Certaines des planches, sculptées, permettait
d’obtenir des décors en relief sur les parois extérieures (et parfois
intérieures) des cuves. On a pu ainsi recenser pour les cimetières mérovingiens
de Paris plus de deux cents modèles différents, à décor géométriques (rosaces,
rouelles, etc.) ou chrétien (Daniel, chrismes, croix, colombes ; etc. ),
disposés de façon variée à la demande de la clientèle. De tels sarcophages
étaient transportables sur de petites distances, à la différence des
exemplaires de pierre, à plus large diffusion.
L’art funéraire mérovingien
n’offre donc guère d’innovations qu’on puisse mettre au compte d’une influence
franque ou germanique. Il témoigne au contraire de la continuité des formes
d’expression artistiques de l’Antiquité tardive, souvent infléchies non par un
apport barbare, mais par celui de l’art populaire, plus libre et moins varié.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 807-808.
Les arts du métal
Dans les pays francs, comme dans
l’ensemble des royaumes barbares d’Occident, les arts du métal ont connu à
l’époque mérovingienne un remarquable épanouissement qui, mieux que l’architecture
ou même l’art funéraire, nous révèle l’évolution originale du goût. A côté de
quelques objets à caractère liturgique, parvenus jusqu’à nous par le biais
exceptionnel de trésors d’églises, les arts du métal sont illustrés par
d’innombrables pièces de fouille, de provenance funéraire pour la plus grande
partie, la pratique de l’inhumation habillée ayant été généralisée (les morts
étaient enterrés avec des accessoires vestimentaires, complétés par des armes
pour les hommes et des bijoux pour les femmes).
Les techniques 1
Les techniques mérovingiennes du
métal sont à la fois marquées par l’héritage antique et par des innovations.
La fonte des métaux (bronze,
argent, plus rarement or), si largement pratiquée durant l’Antiquité romaine
pour la fabrication d’objets moulés, fut tout aussi courante en Gaule
mérovingienne et à sa périphérie, certains ateliers ayant à coup sûr maintenu les
traditions technologiques. A la différence des siècles précédents, mais il
s’agit peut-être d’une carence documentaire, l’époque mérovingienne ne nous a
pas laissé d’œuvres fondues de grande taille, comme des statues, de la
vaisselle, ou des meubles (sauf peut-être la partie inférieure du trône de
Dagobert, attribué par certains spécialistes au VII° s. ; Bibl. nat.,
Paris). Les petites statuettes en ronde bosse paraissent également faire
défaut. Les accessoires vestimentaires (notamment les boucles et plaques-boucles
de ceinture, de baudrier, de chaussures), les objets de parure (bagues,
fibules, etc.), les pièces de harnachement (pommeaux d’épée, décors de fourreau
éperons, etc.) ou encore les objets usuels (garnitures de sac et d’aumônière,
accessoires de toilette) sont en revanche innombrables et témoignent de la
maîtrise des fondeurs de bronze et d’argent.
Les techniques 2
La technique de la cire perdue
était utilisée pour la fabrication des pièces exceptionnelles ou celle des
matrices de fonderie : l’objet que l’on désirait obtenir était sculpté
dans de la cire, puis soigneusement engobé d’argile ; après avoir ménagé
des trous de coulée et des évents, on chauffait l’ensemble, ce qui provoquait
la fonte et l’évacuation de la cire, à laquelle on substituait le métal. Le
procédé le plus courant, pour fabriquer des objets en série, consistait à
imprimer les matrices (obtenues à la cire perdue, sculptées dans un bois dur,
ou tout simplement objets que l’on surmoulait) dans de l’argile, afin d’obtenir
un moule bivalve, non réutilisable. Il était en effet brisé pour permettre le
démoulage de l’objet (à la différence de certains moules réutilisables de
pierre ou d’argile, pour la coulée de noyaux de cire ou de matrices de plomb),
qui était alors fini en plusieurs opérations : ébarbage, surfaçage,
complément du décor (presque toujours venu de fonderie) au burin ou au
pointeau, étamage des bronzes, dorure au mercure et niellage de certains
détails pour les objets d’argent (le nielle est un émail noir à base de sulfure
d’argent et de cuivre, que l’on coulait dans les réserves de l’argent). L’étude
cartographique des objets issus des mêmes moules a permis de conclure à
l’existence d’ateliers qui assuraient une large diffusion régionale de leurs
produits (par exemple de Paris à la Manche ; de la Seine au Rhin),
quelques objets étant parvenus beaucoup plus loin (par exemple jusqu’en
Pannonie lombarde), à la suite d’échanges commerciaux à longue distance ou de
la circulation des personnes mortes en voyage.
Les techniques 3
Les bronziers mérovingiens, s’ils
ne nous ont pas laissé de chefs-d’œuvre de chaudronnerie, pratiquèrent
cependant couramment le repoussé (on repousse à main levée et à l’aide d’un
outil la tôle de métal pour obtenir un décor en relief) et surtout l’estampage
(reproduction mécanique d’un décor grâce à l’emboutissement d’une tôle à l’aide
d’une matrice de métal), pour la décoration de garnitures de coffrets et de
seaux, ou pour celle de platines de fibules (l’estampage pouvant alors
s’appliquer à des tôles d’or et d’argent).
La damasquinure, art d’incruster
ou de plaquer du métal sur un support de métal différent, vit le jour en Orient
dès que l’usage des métaux s’y répandit. Pratiquée par les Egyptiens, les Grecs
et les Romains, cette technique ne semble pas avoir été courante en Gaule avant
la fin du VI° siècle, où des artisans orientaux en diffusèrent alors peut-être
la mode. Jusqu’au cours du VIII° siècle, cet art décoratif, surtout appliqué
aux garnitures de ceinture de fer (mais aussi à des pièces de harnachement et à
des fibules), fut des plus populaires en pays franc, où les ateliers fixes et
les artisans itinérants produisirent d’innombrables pièces de qualité fort
variable. A la fin du VI° siècle et au début du VII°, les motifs géométriques
en fils d’argent incrustés prédominent. La première moitié du VII° siècle fut
marquée par une manière « monochrome », combinant l’incrustation et
le placage de l’argent. A partir de la seconde moitié du VII° siècle s’imposa
enfin la manière « bichrome », avec placage prédominant de feuilles
d’argent dans les réserves desquelles on incrustait des fils en laiton
dessinant des motifs zoomorphes, puis des arabesques.
Les techniques 4
Des contacts avec les Germains
orientaux, notamment les Huns (raid de 451), permirent l’introduction en
Occident de ce qu’on a pris coutume d’appeler le « style coloré »,
dont les régions danubiennes, ainsi que les archéologues soviétiques l’ont
établi (A. K. Ambroz), et non la Russie méridionale, furent le foyer au V°
siècle. Deux techniques principales y existaient concurremment : d’une
part celle du cloisonné (pierres serties dans un réseau de cloisons soudées sur
une platine de même métal), d’autre part celle des « pierres en
bâtes » (montées dans des boîtiers métalliques individuels, soudés sur une
platine de même métal). A partir des modèles danubiens, les pays francs mirent
en œuvre une orfèvrerie cloisonnée indigène des la seconde moitié du V° siècle,
couvrant des plaques-boucles de ceinture, des ornements d’épée, des fibules ou
des fermoirs d’aumônière d’un réseau large et simple de grenats (ou de
verroteries). Durant la seconde moitié du VI° siècle, des cloisons devinrent
plus petites et d’un dessin plus complexe, tandis que le cloisonné n’était plus
aussi couvrant, se limitant de plus en plus à une partie du décor, complété par
des feuilles de métal estampé, des grènetis, des globules ou des filigranes
d’or ou d’argent. Le cloisonné ne fut plus utilisé pour l’ornementation des
objets de la vie quotidienne à partir du début du VII° siècle (le marché des
grenats s’étant peut-être tari), mais survécu jusqu’au seuil de l’époque
carolingienne pour le mobilier d’église (croix de saint Eloi pour Saint-Denis,
dont un fragment est conservé au cabinet des Médailles de la Bibl. nat., Paris).
La seconde technique du style coloré, celle des pierres de bâtes, ne se diffusa
pas avant la fin du VI° siècle dans les pays francs et connut ensuite une
pratique ininterrompue jusqu’au Moyen Age. A l’époque mérovingienne, elle prit
en quelque sorte le relais du cloisonné et trouva sa meilleure expression sur
des fibules rondes ou quadrilobées, avec des compositions symétriques de
cabochons et de pierre multicolores, associées aux filigranes, aux grènetis et
aux globules. Comme on l’a souvent souligné pour l’Occident mérovingien, le
style coloré dissimula bien souvent la relative pauvreté des matériaux
utilisés : or ou argent à bas titre, verroteries, platines de fer ou de
bronze pour une surface sertie d’une tôle d’or ou d’argent. Il convient
également d’ajouter que la technique des fils d’or et d’argent en filigrane
constitua un art propre, en particulier illustré par des corbeilles savamment
construites, des boucles d’oreilles, des têtes d’épingle ou de bague.
Les techniques 5
Souvent oublié par les historiens
de l’art mérovingien et seulement considéré comme une technique, le
« damas soudé » mérite le titre d’art. Il s’agit de motifs géométriques
symétriquement organisés (lignes parallèles séparées par des bandes de
chevrons, de volutes, etc.) qui, après restauration, sont visibles sur les
lames d’épée et sur quelques flammes de lances de l’époque mérovingienne. Des
travaux de laboratoire et des expérimentations (J. Ypey) ont permis d’étudier
et de reconstituer cet art de la forge qui ne fut parfaitement maîtrisé qu’à
l’époque mérovingienne, la mode des damas s’estompant à l’époque carolingienne.
Le damas soudé peut être considéré comme une variante sophistiquée du
« corroyage », technique consistant à forger des barres de fer
soudées pour constituer l’âme à la fois résistante et souple d’épées, de
scramasaxes, de lances ou de haches, dont les tranchants étaient rapportés par
soudure. Des barres de fer doux et carburé, disposées alternativement (souvent
par groupe de sept), étaient soudées, martelées, puis torsadées, selon le damas
que l’on voulait obtenir. Trois ou quatre des barres ainsi obtenues étaient à
leur tour juxtaposées, soudées, et forgées jusqu’à l’obtention d’une lame dont
les tranchants étaient rapportés par soudure. L’ensemble était soigneusement
meulé, puis poli. On procédait ensuite au « mordançage » de la lame
en la trempant dans un bain d’acide, ce qui révélait alors seulement le décor
damassé, mis en évidence par les nuances du métal : blanc pour le fer et
noir pour l’acier. C’est donc véritablement en aveugles, mais avec une
programmation très précise de leur travail, que leurs forgerons mérovingiens
réalisaient ces damas dont la seule fonction était ornementale. Il s’agissait
bien d’un art véritable, que quelques forgerons seulement portèrent à son plus
haut niveau.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 808-809.
Les motifs ornementaux 1
Plutôt que dans le « style
coloré », où les techniques d’ornementation ont tenu de décor, à
l’intérieur de contours zoomorphes simples (griffons, rapaces, poissons), ou
selon des compositions géométriques élémentaires, c’est sur les objets
métalliques de fer damasquiné ou de bronze et d’argent moulé, estampé et plus
rarement repoussé qu’il convient de rechercher les traits originaux du
répertoire ornemental mérovingien. Si l’on fait exception de quelques
chefs-d’oeuvre, découverts dans des contextes privilégiés (par exemple, les
tombes princières de Cologne et de Saint-Denis) et imputables à des orfèvres
réputés, il s’agit dans la plupart des cas d’objets fabriqués en série, dont
les décors stéréotypés sont le fidèle reflet des nouvelles tendances du goût et
répondent parfaitement à l’acception d’art populaire. Il importe ici de
distinguer, à l’intérieur des pays francs, le cœur proprement dit du Regnum Francorum, c’est-à-dire les
régions d’entre Rhin et Loire, de l’ancienne Aquitaine wisigothique.
Entre Rhin et Loire, les
figurations humaines sont demeurées rares sur les objets métalliques. A de
rares exceptions près –comme la buire de Lavoye (deb. VI° s., Meuse, musée des
Antiquités nationales), recouverte de tôles de bronze estampées représentant
des scènes christologiques, ou la châsse de Mumma (abbatiale de
Saint-Benoît-sur-Loire ; VII° s.), comportant une frise de six apôtres
traitée au repoussé sur une tôle de bronze-, les artisans mérovingiens du métal
se sont limités à la représentation plus ou moins stylisée du visage humain,
habituellement traité comme un masque : le médaillon central de la célèbre
fibule de Limons (VII° s., Puy-de-Dôme ; Bibl. nat., Paris) en est l’une
des meilleures illustrations et il faut sans doute y voir, comme sur une série
de plaques de ceinture de l’Ouest parisien, la figuration de la Sainte Face. De
ce point de vue, l’artisanat franc se distingue donc très nettement de celui de
la Burgondie franque, auquel l’on doit mainte scènes d’inspiration chrétienne.
Source article
« Mérovingiens », Encyclopaedia universalis, Corpus 15, page 809.
Châsse de Mumma
Les motifs ornementaux 2
L’art animalier, s’il est
omniprésent sur les objets de parure et sur les accessoires vestimentaires de
métal des régions d’entre Rhin et Loire à partir de la fin du VI° siècle (sans
tenir compte ici d’objets antérieurs à silhouette zoomorphe peu élaborées), ne
répond que rarement aux canons du « style animalier germanique » tel
qu’il a été défini par B. Salin. Ce style, ainsi qu’on l’a établi, trouve ses
origines dans diverses productions métalliques du Bas-Empire (notamment des
garnitures de ceinture) qui furent largement diffusées sur les frontières du
Rhin et du Danube au cours de la seconde moitié du IV° siècle et de la première
moitié du V° siècle. On y voyait, associés, des motifs géométriques et végétaux
imitant la taille biseautée, ainsi que des frises en relief méplat d’animaux
stylisés (fauves, dauphins) ou mythologiques (griffons, monstres marins).
Tandis que le monde mérovingien retint surtout les composantes de ce style
géométrique et végétal, hérité de l’Antiquité tardive, les artisans scandinaves
furent surtout influencés par le répertoire zoomorphe des objets qui parvinrent
jusqu’à eux. Ils l’interprétèrent et le développèrent de façon originale,
donnant naissance à ce que B. Salin dénomma le « style animalier
I » : bien que très stylisées, les représentations animales sont
immédiatement reconnaissables : tête et membres reliés selon l’anatomie et
composition en bandes symétriques. Ce style animalier nordique, dérivé de l’art
animalier romain tardif, fut introduit dans le monde mérovingien oriental au
cours du VI° siècle, soit par le jeu d’échanges commerciaux, soit par la venue
d’orfèvres scandinaves, mais il échappa presque totalement au monde franc
proprement dit, demeuré à l’écart de ces influences du fait de sa situation
géographique et politique. A partir du milieu du VI° siècle, des motifs
d’entrelacs en bande ou des tresses, résultant d’influences venues de Méditerranée
orientale, s’y mêlèrent, aboutissant au « style animalier II » :
celui-ci était caractérisé par l’éclatement anatomique des représentations zoomorphes.
Tandis que ce style II connut un remarquable épanouissement dans les mondes
anglo-saxon, alaman et lombard, il marqua assez peu le cœur du Regnum Francorum, peut-être parce que
celui-ci demeura très influencé par les prolongements directs de l’art antique,
tout en étant précocement christianisé, à la différence des cultures
mérovingiennes périphériques (une certaine assimilation ayant dû exister entre
cet art animalier et le paganisme.)
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 809.
Les motifs ornementaux 3
A côté de représentations
géométriques simples (frises de sinusoïdes, marches d’escalier, nids
d’abeilles, échelles, etc.), les productions métalliques de la région entre
Loire et Rhin (principalement des garnitures de ceinture de bronze moulé et de
fer damasquiné) ont été ainsi caractérisées durant la première moitié du VII°
siècle par des entrelacs géométriques (dont les brins d’extrémité s’achèvent
parfois par des chefs de monstres) et des nattés, la seconde moitié du siècle
voyant naître la mode des entrelacs filiformes entremêlés de chefs de monstres.
Seules quelques pièces exceptionnelles, comme par exemple la fibule de Limons,
témoignent en pays franc de la parfaite et inhabituelle maîtrise du style II.
Si l’Aquitaine, devenue franque
au début du VI° siècle, ne s’est guère différenciée de la Gaule du Nord par les
arts du métal jusque vers 600, elle connu au VII° siècle une production
originale, essentiellement illustrée par des garnitures de ceinture de bronze. Outre des formes particulières (plaques avec
nombreuses bossettes ornementales en saillie) et des techniques ornementales
propres (aplats étamés avec réserves pointillées ; émaux champlevés), ces
objets ont reçu une décoration spécifique fort soignée : personnages,
animaux, motifs végétaux et surtout géométriques. Des études (E. James) ont
montré que ce style des plaques-boucles aquitaines ne trouvait ses parallèles
ni en Gaule du Nord, ni en Burgondie, encore moins –comme on l’a souvent
proposé- en Egypte copte ou dans le monde des steppes, mais résultait en fait
des prolongements directs de l’art antique dans ces régions demeurées fortement
romanisées, par-delà un siècle d’unité wisigothique qui avait renforcé leurs
particularismes : les mosaïques, notamment, ont pu servir de modèles aux bronziers.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 809.
Les arts du feu : céramique et verrerie
Nous nous limiterons ici à la
présentation de la céramique et de la verrerie mérovingiennes de la région
entre Rhin et Pyrénées, c’est-à-dire du pays franc proprement dit et de
l’ancienne Aquitaine wisigothique. Nos connaissances en la matière, il est
important de le préciser, ne sont pas homogènes en raison de la nature des
sources archéologiques disponibles : il y a ainsi un très grand
déséquilibre quantitatif entre l’Aquitaine, où les découvertes funéraires sont
rares, et les régions d’entre Loire et Rhin, où elles sont particulièrement
abondantes –déséquilibre partiellement comblé par les fouilles, encore trop peu
nombreuses, de sites d’habitat ; on doit également tenir compte du fait
que les vases découverts dans les sépultures, s’ils sont en général complets,
représentent une sélection par rapport à l’ensemble de la production céramique
et verrière, à la différence de ceux mis au jour sur des sites non funéraires,
mais qui sont le plus souvent fragmentaires.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 809-810
La céramique
D’un point de vue général, la
production céramique mérovingienne se situe dans le prolongement de la
production romaine tardive, aucun apport germanique direct n’étant attesté sur
le plan technique et stylistique. Plusieurs ateliers de poterie du Bas-Empire
voient leur production se poursuivre jusqu’au VI° siècle et être encore
largement diffusée : c’est le cas de la vaisselle sigillée d’Argonne, à
surface orangée, dont la qualité s’altère et le répertoire morphologique et
décoratif s’appauvrit ; ou bien du « groupe atlantique » des
céramiques sigillées grises, bien représenté dans le sud-ouest de la France,
caractérisé par une ornementation soignée obtenue au poinçon (palmettes, motifs
végétaux et figurations paléochrétiennes, comme des cervidés, des orants et des
croix). Il s’agit cependant d’exceptions ; la distribution géographique
des objets imputables à des ateliers déterminés montre, en effet, que la
céramique mérovingienne fut produite et diffusée à une échelle régionale
restreinte ou même locale. A côté de bouteilles, de cruches, de bols,
d’assiettes et de gobelets, la vaisselle de table en terre est surtout
représentée par des vases bitronconiques (dits « à carène »), toutes
ces formes de céramiques dérivant du répertoire morphologique de l’Antiquité
tardive. Montés à l’aide de tours lents, ces vases offrent rarement des profils
élégants, leur technique de cuisson en atmosphère réductrice étant souvent peu
raffinée et conduisant à des colorations de pâte et de surface noires, grises
ou beiges (rares sont après le milieu du VI° s. les vases à pâte ocre cuits en
atmosphère oxydante, sans doute du fait de l’utilisation de fours moins
perfectionnés, où il était impossible d’atteindre de hautes températures).
L’ornementation elle-même est dans l’ensemble peu élaborée et procède de motifs
géométriques simples imprimés au poinçon ou à la molette, incisés au peigne, ou
bien repoussés au doigt, les glaçures ne paraissant plus pratiquées et les
motifs peints survivant en Rhénanie. Un groupe de céramique carénées de
Picardie et du Vexin français tranche un peu sur cette monotonie ornementale et
est caractérisée par un répertoire exceptionnel de décors à la molette :
frises avec personnage, animaux, motifs géométriques, végétaux, architecturaux
et chrétiens (seconde moitié du VI° s.).
Source article
« Mérovingiens », Encyclopaedia universalis, Corpus 15, page 810
La verrerie
Comme à l’époque romaine, et pour
des raisons écologiques évidentes, la production verrière mérovingienne était
certainement située dans des régions précises (notamment sur les sols siliceux
du nord et de l’est de la Gaule) ; mais les ateliers n’ont pas été
indubitablement identifiés, à la différence des ateliers de poterie. Les verres
mérovingiens, tout en étant issus des productions de l’Antiquité tardive, s’en
distinguent par une indéniable régression technique. C’est ainsi que seuls les
formes les plus simples, bouteilles, écuelles, gobelets, ont été conservées,
avec un nombre restreint de types. La gamme des couleurs est peu étendue et se
limite pratiquement au bleu, au vert, au jaune et au marron, les verres étant
le plus souvent monochromes. La pratique des adjonctions soudées (pieds, anses,
décors divers) s’est singulièrement raréfiée. L’art de la gravure, enfin, n’est
plus pratiqué. Si la plupart des verres mérovingiens ont été soufflés
librement, un certain nombre d’entre eux ont été en partie moulés, afin
d’imprimer sur leur fond un décor géométrique ou chrétien. On a également utilisé
pour l’ornementation de certains vases l’application à haute température de
filets d’émail blanchâtre en guirlande ou en motif de quatre-feuilles, ou à
plus basse température l’application de filets de verre en relief de même
couleur que le support. Ici et là, quelques pièces exceptionnelles témoignent
encore d’une maîtrise effective de l’art du verre, comme des cornes à boire ou
des gobelets à pied cantonnés de « trompes » (Rüsselbecher des
archéologues allemands). La relative rareté des verreries dans les tombes
atteste enfin qu’il s’agissait d’objets de luxe, susceptible d’un commerce à
longue distance comme le montre bien la large distribution géographique de
certains types de verres.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 810
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