La Vie des Mérovingiens :
Les institutions 1
Les innovations les plus
importantes concernent les institutions : les Germains instaurèrent un
nouveau régime politique fondamentalement différent du précédent. A la notion
romaine d’un Etat supérieur aux individus succède celle d’une royauté absolue,
héréditaire et patrimoniale. La royauté est l’institution fondamentale :
pouvoir de fait qui ne se discute pas, elle n’a pas à définir ses prérogatives
et ses limites. La conquête de la Gaule a fait du chef militaire à la tête de
ses troupes un souverain à qui tous les habitants sans exception sont soumis.
Son pouvoir est personnel, et il n’y a plus aucune distinction entre l’Etat, sa
personne et ses biens. Aussi à sa mort partage-t-il son royaume entre ses enfants
comme le veux le droit salique. Il n’existait rien de semblable ni dans
l’Antiquité ni non plus en Germanie. D’ailleurs les théoriciens le sentiront
lorsque, recherchant un modèle de roi franc, ils le trouveront dans le roi
d’Israël. Néanmoins, le Mérovingien s’efforce de se rattacher à Rome en imitant
certains gestes de l’Empereur. Il s’entoure même d’un palais qui réunit les
services, les grands officiers et les hautes fonctionnaires. Nomade comme le
roi, ce palais le suit dans ses déplacements de domaine en domaine. En fait, il
ne s’agit pas d’une véritable administration centrale, car la distinction entre
fonction administrative et fonction domestique n’existe pas.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 802.
Le Roi David, modèle des rois mérovingiens
Les institutions 2
Sur le plan local, le roi est
représenté par le comte qui agit dans le cadre de la cité. Il y exerce en son
nom tous les pouvoirs : administratifs, judiciaires, financiers et
militaires. Dans l’exercice de ses fonctions judiciaires, il est assigné d’un
conseil de gens expérimentés qui forment le tribunal. Le duc qui, à l’origine,
exerçait un pouvoir essentiellement militaire devient rapidement un échelon
intermédiaire qui s’interpose entre le roi et le comte.
Dans le domaine judiciaire, la
notion romaine de la peine afflictive est remplacée par le Wergeld, ou composition financière, chargé, d’une part, de punir le
coupable d’avoir troublé la paix publique, et, d’autre part, d’empêcher toute
vengeance de la partie adverse. A l’origine, les différents peuples de la Gaule
furent jugés suivant leur propre loi. A ce principe de la personnalité des
lois, suivant lequel chaque individu étaient jugé suivant la loi de sa race,
succéda peu à peu celui de la territorialité, suivant lequel la loi retenue
était celle du plus grand groupe ethnique.
Tout homme libre était astreint
au service militaire. Il devait s’équiper, assurer lui-même son propre
entretien et répondre à la convocation du roi, qui lui parvenait par
l’intermédiaire du comte. Dans le domaine financier, les souverains
s’efforcèrent de faire jouer à leur profit le système des impôts romains, mais
les Francs répugnèrent à verser la capitation, si bien qu’au cours du VII°
siècle toute levée d’impôt disparaît et que les souverains tirent leurs
principales ressources de l’exploitation de leurs propres richesses foncières.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 802.
Guerrier Mérovingien Franc
Source article
« Mérovingiens », Encyclopaedia universalis, Corpus 15, page 802-803
La société 1
La société mérovingienne se situe
dans le prolongement du celle du Bas-Empire, l’arrivée des Barbares étant
seulement responsable de l’accélération de ce mouvement qui poussait le plus
faible à obtenir la protection du plus fort. De même la pratique de l’esclavage
se perpétue au-delà des invasions, bien que le christianisme et les lois
germaniques aient tenté de limiter l’arbitraire du maître et favorisé les
affranchissements. Le commerce des esclaves demeure très fructueux au cours de
toute la période mérovingienne. Le reste de la population est de condition
libre, mais cette condition tend à se différencier. L’aristocratie
gallo-romaine qui appuyait sa puissance sur une fortune foncière avait survécu
à l’effondrement de l’Empire. Elle devait fournir aux rois mérovingiens les
principaux dignitaires de l’administration et de l’Eglise. Elle entra ainsi en
contact avec les grands d’origine germanique qui finirent par fusionner avec
elle. Il se créa de ce fait une nouvelle aristocratie de fonction, qui remplaça
l’ancienne classe sénatoriale. Les grands partageaient leurs temps entre leur
terre et la cour, où ils acquéraient la faveur du souverain qui se manifestait
principalement par des largesses, singulièrement en terres du fisc. Leurs
puissances ne fit que s’accroître, profitant de la faiblesse du pouvoir royal,
et la seconde moitié du VII° siècle et le VIII° siècle ont été remplis de leurs
propres discordes.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 802.
La société 2
Les cités n’avaient cependant pas
disparu : à la suite des premières invasions, la plupart d’entre elles
s’étaient protégées, à la fin du III° siècle et au début du IV° siècle, en
construisant une enceinte autour de ce que l’on a appelé le castrum, sorte de
réduit fortifié qui comprenait principalement les locaux administratifs. En
dehors de ce castrum s’étendait le subsubium où continuait à vivre la
population. Néanmoins, les grandes avaient désertés les cités pour mener une
vie plus aisée dans leurs domaines. La ville continua à remplir un rôle
important en tant que cadre de l’administration locale. D’ailleurs la plupart
des villes gallo-romaines devinrent des comtés. Le fait que ces cités soient
devenues des chefs-lieux de diocèses assura leur survivance au cours de ces
périodes troublées, à tel point qu’on en vint à voir dans la ville la cité de
l’évêque. De plus, souverains et évêques manifestent le souci de renouer avec
les traditions de l’urbanisme antique en y assurant la vie et les
loisirs ; on remet en état les aqueducs, les égouts, et les remparts, on rétablit
les arènes et les thermes. A côté de ces travaux édilitaires, il faut également
souligner la prodigieuse activité architecturale religieuse dont les deux
premières générations de souverains mérovingiens furent responsables. Ce sont
les principalement les capitales (Paris, Soissons, Metz) qui en
bénéficièrent : basiliques extra-muros ou cathédrales intra-muros.
La société 3
Cependant, le processus déjà
entamé sous le Bas-Empire se poursuit : l’essentiel de l’activité humaine
a pour cadre le monde rural. Très tôt la terre est remise en valeur et
redevient le moyen de subsistance essentiel. On procède même à d’importants
défrichements et à une réoccupation des sols abandonnés. En outre, il avait
fallu prévoir l’installation des Germains dans les domaines ruraux. Or, cette
installation se fit d’une façon juridique : le système de l’hospitalitas permettait de leur céder
des terres cultivées et incultes qu’ils étaient chargés de mettre en valeur.
Cette vue qui ne peut être que schématique doit être nuancée suivant les
régions et l’importance des groupements de Germains qui s’implantèrent. Il
semble qu’à l’exception de quelques cas il n’y eut pas bouleversement du visage
rural : les Germains s’insérèrent soit d’une façon juridique soit par la
force ; seule la propriété changeait de main. Comme dans l’Antiquité, le
grand domaine restait le mode de propriété et d’exploitation le plus commun et
tendait à devenir une entité économique vivant entièrement sur elle-même. Ce
domaine pouvait être mis en valeur soit par le faire-valoir direct qui exigeait
un nombre considérable d’esclaves, soit par des tenanciers, attachés à une
petite exploitation qui suffisait à leur subsistance : en échange, ils
étaient astreints à des redevances et à des corvées. Si au début de l’époque
mérovingienne le premier système qui remontait à l’Antiquité paraît être le
plus général, le second s’implanta peu à peu en raison de la disparition de
l’esclavage. Le tenancier entrait alors en possession d’une terre et implorait
la protection du seigneur (precaria) ;
celui-ci la lui accordait (patrocinium)
en lui donnant les moyens de subsistance. En échange, le tenancier devait au
seigneur un certain nombre de services. Ce système eut le double avantage de
compenser la disparition de l’esclavage et de permettre au seigneur d’étendre
l’exploitation à d’immenses domaines, en donnant au tenancier les moyens
d’assurer la subsistance de sa famille et sa protection. Néanmoins, un grand
nombre de bourgades (vici) placées
sur des routes échappent à ce système et continuent à mener une vie
indépendante.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 803
La cadre économique 1
L’installation des Barbares en
Gaule n’a pas eu sur le plan économique les conséquences qu’on lui a trop
souvent reconnues. La Gaule du V° siècle n’est plus celle du II° siècle et du
début du III° : les bouleversements sociaux (installation des lètes) et
économiques en ont déjà profondément transformé l’aspect. Une lente
détérioration se poursuit sous les Mérovingiens, mais elle se fait sans heurt,
dans le domaine économique. On constate ainsi, à la suite de H. Pirenne, que le
commerce méditerranéen d’échange entre l’Orient et l’Occident s’est prolongé
durant tout le VI° siècle, sans atteindre l’importance de l’époque
précédente ; or ce commerce concernait non seulement les produits de luxe
(tissus ou épices), mais des produits d’usage courant (papyrus). Néanmoins,
cette activité échappait en grande partie aux Barbares, et ce sont des
étrangers que l’on appelait communément des Syriens qui s’en chargeaient :
ils sillonnaient la Méditerranée et avaient installé des colonies dans les
principaux centres en relation avec ce commerce méditerranéen. L’importance de
Marseille sur ce point est bien mise en lumière par l’acharnement des
souverains mérovingiens à vouloir s’en emparer. Cependant, il n’est guère aisé
de rendre compte du volume de ce trafic en l’absence de tout texte comptable.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 803.
Femme mérovingienne
La cadre économique 2
Le déplacement vers le nord de
l’axe politique à la suite des invasions barbares se retrouve au niveau
commercial. On assiste en effet à une reprise intensive d’échanges entre la
Gaule, l’Angleterre et l’Irlande. A l’est, la région mosane devient un centre
d’échange essentiel. Dirigé à l’origine vers le sud, le commerce tend à
s’orienter de plus en plus vers l’Angleterre et la Scandinavie. Le Rhin est
toujours le trait d’union entre l’Italie et la Baltique. La ville de Verdun
remplit un rôle économique très important. La découverte de trésors monétaires
et leur analyse confirment que jusqu’au VII° siècle la Gaule est traversée de
courants commerciaux qui relient la Méditerranée, l’Atlantique, la Meuse, le
Rhin et la Baltique. La décadence du commerce méditerranéen se fait très
progressivement, et ce dernier est aussitôt relayé par un trafic septentrional
de plus en plus intense. A la fin du VII° siècle, le déplacement du centre de
gravité de la Gaule vers le nord-est devient évident ce qui explique le succès de
l’Austrasie.
Dans le domaine industriel, les
choses sont moins nettes. On a peut-être trop privilégié certains ateliers qui
auraient exporté dans toute la Gaule leur produit, ainsi les ateliers des
marbriers pyrénéens à qui l’on a accordé la paternité des chapiteaux et des
sarcophages de marbre, trop libéralement datés du VII° siècle. La critique
moderne tend à discerner des ateliers locaux qui, durant des années, ont répété
inlassablement les mêmes formules. Il en est de même dans le domaine de l’orfèvrerie
qui devient une des branches d’activité les plus originales de l’artisanat. On
tend sur ce point à déceler l’existence d’ateliers régionaux dont certains
produisent de véritables chefs-d’œuvre (Paris : bijoux de la reine
Arégonde). On note cependant, d’une façon générale, une décadence plus ou moins
nette dans la facture de ces différentes productions (verrerie à Cologne). Il
faut en excepter l’industrie du fer qui atteint une qualité peu commune :
la production d’épées plaquées ou damasquinées démontre la perfection technique
à laquelle les artisans barbares avaient su parvenir, et cela malgré
l’obligation d’industrialisation.
La permanence économique du monde
romain se reconnaît dans les routes et les voies navigables, dont l’axe resta
le même jusqu’à la fin de l’époque carolingienne.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 803.
Bijou de le reine Arégonde
La vie religieuse et intellectuelle 1
Alors que s’effondre l’Empire
romain, l’Eglise demeure le seul soutien des populations dont l’Etat n’est plus
à même d’assurer la défense. Choisi par le clergé et par les habitants de la
« civitas », l’évêque est souvent recruté parmi les familles les plus
riches et appartient à la condition laïque. Les souverains mérovingiens
s’attribuent la nomination des évêques, mais, afin de faire de ceux-ci des
fonctionnaires, continueront à les prendre parmi les puissants laïques, si bien
que dans la seconde moitié du VI° siècle on y voit des Germains. Le rôle de
l’épiscopat est immense, car il a pris en charge les fonctions qu’assurait
autrefois l’Etat : l’évêque doit veiller à la subsistance des faibles,
fonder des hôpitaux et des hospices pour les recueillir, entretenir les écoles
et très souvent rendre la justice. Son activité se tournait principalement vers
le domaine pratique ; il échoue en grande partie dans son œuvre
d’évangélisation des campagnes. Ce sont des moines irlandais d’abord, puis
anglais, qui entreprirent cette œuvre. Le succès remporté dans ce domaine est
un fait capital dans l’histoire mérovingienne. A la demande des populations,
l’évêque fut amené à démembrer son diocèse en constituant dans les localités
les plus importantes des succursales de l’Eglise épiscopale avec une église,
une circonscription territoriale, un clergé et un patrimoine : ainsi fut
constitué la paroisse qui devait rester à travers la Révolution la cellule
organique de la société française.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 804.
Couronnement du roi Dagobert
La vie religieuse et intellectuelle 1
L’épiscopat s’était montré
particulièrement soumis au début de l’époque mérovingienne. Mais, conscient du
rôle qu’il remplit, fort d’une richesse foncière peu commune, il manifesta une
ambition politique dès la mort de Dagobert. Il fallut que Charles Martel
effectuât une gigantesque confiscation des biens d’Eglise, à la fois pour
assurer son pouvoir contre ces prélats trop ambitieux et pour financer sa
politique de lutte contre l’Islam et le rétablissement de l’unité du Regnum.
Parallèlement à la décadence de
l’administration, on assiste au lent abaissement du niveau culturel. Néanmoins,
nombre d’écoles restèrent ouvertes, se contentant d’y maintenir des traditions
qui n’ont plus de vie. Seul l’épiscopat réussit à conserver pendant un certain
temps l’illusion de la culture latine. En même temps, bien que l’acte écrit ait
conservé tout son prestige, l’écriture cède du terrain au cours du VII° siècle.
Pour réagir, les moines se mirent à copier les manuscrits afin d’en assurer la
pérennité. Or ces monastères, plus particulièrement ceux du Nord, étaient en
contact permanent avec les milieux monastiques anglais et irlandais, où
s’élaboraient un nouvelle culture, orientée essentiellement vers les
préoccupations religieuses. C’est dans cette ambiance nouvelle que devait
s’élaborer un renouveau : la renaissance carolingienne.
Source article « Mérovingiens », Encyclopaedia universalis,
Corpus 15, page 804.
Charles Martel
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